Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/84

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despotes, qui envahit l’Égypte, attiré par l’appât de ses merveilleuses richesses, et ne respecta même pas les sanctuaires. Ce fut en cette occasion que ce prince, dans le mouvement qu’il se donnait au milieu des pillards à sa suite, s’embarrassa le pied dans les plis de sa simarre, et, tombant de son haut, se blessa presque mortellement avec le court cimeterre qu’il portait le long de la cuisse, et que la violence de la chute avait fait sortir du fourreau. Longtemps après, Cornélius Gallus, procurateur d’Égypte sous l’empereur Octavian, ruina Thèbes par ses exactions. Accusé, au retour, du pillage de cette province, et poursuivi par l’indignation des chevaliers, dont l’ordre était chargé par l’empereur d’informer sur cette affaire, il se donna la mort de sa propre main. Ce Gallus est le même, si je ne me trompe, que le poète de ce nom, à qui Virgile a consacré une si touchante élégie dans sa dixième églogue.

Parmi les ouvrages d’art de cette ville, tels que vastes citernes, simulacres gigantesques des dieux de l’Égypte, etc., j’ai vu moi-même des obélisques en grand nombre, tant debout que gisants et mutilés ; monuments des siècles passés consacrés par d’anciens rois du pays aux dieux immortels, en actions de grâces ou de succès militaires, ou des bienfaits d’une prospérité singulière à l’intérieur, et dont la matière, extraite souvent des gisements les plus lointains, a été transportée, toute taillée, de la carrière au lieu de l’érection. Ces obélisques, espèces de bornes d’une élévation plus ou moins considérable, sont formés d’une seule pierre d’un grain très dur, polie avec le plus grand soin, et qui affecte dans sa coupe, par imitation des rayons du soleil, la figure d’un solide quadrangulaire, dont les quatre arêtes tendent insensiblement à se confondre au sommet. On y voit gravée une innombrable variété de formes ou symboles que nous appelons hiéroglyphes, et qui sont les archives mystérieuses de la sagesse des temps d’autrefois ; figures d’oiseaux, de quadrupèdes, productions de la nature ou de la fantaisie, et destinées à faire passer aux âges suivants la tradition, soit de faits contemporains, soit de vœux que les souverains d’alors ont formés ou accomplis. L’idiome des premiers Égyptiens n’avait pas, comme les langues modernes, un nombre déterminé de caractères répondant à tous les besoins de la pensée. À chaque lettre, chez eux, était attachée la valeur d’un nom ou d’un verbe, et quelquefois elle renfermait un sens complet. Deux exemples suffiront pour en donner une idée. Un vautour désigne dans cette langue le mot nature, parce que cette espèce n’a pas de mâles, suivant les notions de la physique. Une abeille, occupée à faire du miel, exprime le mot roi ; pour faire entendre que si la douceur est l’essence du gouvernement, la présence de l’aiguillon doit toutefois s’y faire sentir. Et ainsi des autres.

L’arrivée d’un obélisque à Rome, sous le règne de Constance, fit jouer aussitôt tous les ressorts de la flatterie. Octavien Auguste, disait-on, avait bien pu amener d’Héliopolis deux obélisques, dont il avait placé l’un dans le grand cirque, et l’autre dans le champ de Mars ; mais quant au colosse qui venait d’être importé, ce prince, effrayé de sa masse énorme, n’avait pas même essayé de le mouvoir. Or il est bon de dire, pour ceux qui l’ignorent, qu’Auguste ne s’était abstenu de toucher à ce dernier, lors de la translation qu’il fit opérer des deux autres, que par motif de