Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

déférence au sentiment religieux du pays ; car ce monument était une consécration spéciale à la divinité du Soleil. Il respecta cette destination comme irrévocable, et protégée par l’inviolabilité du temple magnifique où l’obélisque s’élevait, pareil à un géant, au centre du sanctuaire. Mais Constantin, qu’un scrupule semblable touchait peu, ou qui pensait avec raison ne porter aucune atteinte aux idées religieuses en enlevant cette merveille d’un temple particulier, pour en faire la dédicace à Rome, temple de l’univers entier, commença par déplacer ce monument, qu’il laissa couché, en attendant que les préparatifs du transport fussent terminés. Conduit ensuite par le Nil, l’obélisque fut déposé sur le rivage à Alexandrie, où l’on construisit exprès un navire de proportions inusitées, et qui devait être mû par trois cents rameurs. Mais le prince mourut dans l’intervalle, et l’opération languit. Ce ne fut que longtemps après que cette masse, enfin embarquée, traversa la mer et remonta le Tibre, qui semblait craindre que le volume de ses eaux ne suffît pas à convoyer jusqu’à la ville qu’il arrose ce présent d’un fleuve inconnu. Arrivé au bourg d’Alexandrie, à trois milles de Rome, l’obélisque fut hissé sur des rouleaux, et lentement introduit, par la porte d’Ostie et l’ancienne piscine publique, jusqu’à l’esplanade du grand cirque.

Il s’agit alors de l’ériger, ce qui était réputé peu praticable, sinon impossible. Dans ce but, on éleva, non sans danger, une forêt de hautes solives, au sommet desquelles venait s’assujettir une multitude de longs et forts câbles, serrés comme les fils de la chaîne d’un tisserand, et formant un rideau assez épais pour dérober la vue du ciel. À l’aide de cet appareil, et des efforts de plusieurs milliers de bras imprimant de concert à la machine un mouvement analogue à celui de la meule supérieure d’un moulin, cette espèce de montagne, dépositaire des rudiments de l’écriture, insensiblement se soulève, et, suspendue quelque temps dans l’espace, prend enfin son assiette au milieu du sol.

L’obélisque fut d’abord surmonté d’un globe d’airain, revêtu de lames d’or. Mais cet ornement ayant été frappé de la foudre, on y substitua une torche du même métal, dont la flamme, également figurée en or, produisait d’en bas l’effet d’une gerbe de feu.

D’autres obélisques furent amenés à Rome dans les siècles suivants. On en voit un au Vatican, un dans les jardins de Salluste, et deux au mausolée d’Auguste. Quant à l’ancien obélisque, celui du grand cirque, Hermapion en a traduit en grec les inscriptions emblématiques, et voici son interprétation :

FACE DU SUD.
Première colonne d’écriture.

« Le Soleil au roi Ramestès. Je t’ai donné de régner avec joie sur la terre, favori du Soleil et d’Apollon ; puissant ami de la vérité, fils de Hérôn, issu d’un dieu, créateur du globe terrestre ; toi que le Soleil préfère à tous, Ramestès, enfant de Mars, à qui la terre est heureuse et fière d’obéir ; roi Ramestès, fils du Soleil, dont la vie est éternelle. »

Deuxième colonne.

« Puissant Apollon, véritable dispensateur du diadème, dominateur glorieux de l’Égypte, qui