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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

en fait le jardin ; mais il est très-rare qu’ils songent à acheter assez de terre pour employer leur activité. Un homme chez nous, qui a deux ou trois cents livres sterling, n’achète pas un champ, mais des fonds pour une ferme. Dans toutes les parties de l’Angleterre que j’ai visitées, il n’y a point de comparaison entre le sort d’un ouvrier à la journée et celui d’un très-petit fermier. Personne n’a une vie plus dure et ne travaille plus mal que ce dernier. Il n’y a point de travail plus cher et plus misérablement exécuté que celui d’un homme qu’on loue pour le faire, tandis qu’à l’ordinaire il travaille pour lui-même. Il y a chez lui un sentiment de dégoût et une faiblesse d’attention, qui ne peuvent échapper à un observateur exercé ; la détresse seule peut engager ces petits propriétaires à travailler pour les autres. Peut-il y avoir rien de plus absurde en apparence, que de voir un homme fort et dispos faire quelques milles et perdre un jour pour vendre une douzaine d’œufs ou un poulet, dont la valeur ne paierait pas le transport, si les hommes étaient utilement employés ? »

CAROLINE.

Cela me rappelle une pauvre femme en Savoie, qui possédait quelques vaches dans les montagnes, à deux ou trois lieues de Genève. Comme elle n’avait pas d’autre marché pour son lait, elle le portait chaque jour à cette ville pour le vendre ; la plus grande partie de son temps se passait sur le chemin ; elle l’aurait sûrement mieux employé, si elle avait été laitière de quelque bon fermier, qui aurait eu assez de lait pour en faire du beurre ou du fromage, et l’aurait envoyé vendre en gros au marché.

MADAME B.

L’inconvénient dont vous parlez a été prévenu, ces dernières années, en plusieurs villages de Suisse et en particulier dans le voisinage de Genève, par l’établissement d’une espèce de laiterie publique, dont l’idée, à ce qu’on m’a dit, est originaire des plaines de Lombardie. Chaque fermier du voisinage porte à ces laiteries, connues sous le nom de fruitières, sa provision journalière de lait, qui y est convertie en beurre et en fromage, et lui est rendue sous cette forme, l’établissement ne retenant que ce qui est nécessaire pour en payer les frais.

Il y a, dans les montagnes de Suisse, des laiteries considérables,