Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/18

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d’après l’autorité des commentateurs les plus compétents, il serait aujourd’hui avéré que la relation de Marco Polo fut primitivement écrite en français. Plusieurs versions de ce texte ont été publiées, dont l’une en 1845, à la librairie Didot, avec des notices, remarques et annotations du très savant sinologue G. Pauthier, qui a fait de cette publication un véritable monument à la gloire du célèbre voyageur.

Si curieux et intéressant que soit le texte publié par M. Pauthier, d’après deux magnifiques manuscrits de la Bibliothèque nationale, ayant appartenu à Jean, duc de Berry, frère de Charles V, nous ne pouvions songer à le reproduire dans une collection populaire, où sa forme par trop archaïque eût assurément déconcerté la majorité des lecteurs.

Il nous a semblé préférable d’adopter le texte que ce même Bergeron, traducteur du récit de Rubruquis[1], donna, d’après un ma-

  1. Bien que portant l’une et l’autre l’empreinte littéraire du temps où elles furent publiées, chacune de ces deux traductions — dont nous avons cru devoir respecter presque toujours l’extrême simplesse et même les naïves incorrections — affectent cependant une forme particulière évidemment due à l’art instinctif du traducteur, qui a su se pénétrer intimement, en quelque sorte, du tempérament propre à chacun des narrateurs. La première version, faite d’après un assez pauvre latin, conserve bien l’humble et touchante ingénuité qui caractérise le messager du saint roi, tandis que la seconde, non moins simple pourtant, se ressent, par une allure plus ferme, du naturel et de la condition du conteur. Ainsi se trouve établie une différence vraiment intéressante entre le pèlerin en robe de bure et aux pieds nus, qui ne rapporte de la visite faite aux tentes des Tartares que sa pieuse indigence, et le marchand vénitien qui, tout fringant d’honneurs et d’opulence, revient éblouir ses compatriotes avec ses souvenirs du pays des merveilles.