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MÉMOIRE JUSTIFICATIF

pre vie : laquelle fust tres prompte pour moy, qui des lors demeuray sous l’obeyssance de la Royne ma mere, laquelle continua à me faire nourrir en la religion qu’elle tenoit ; et, voyant qu’après le decez du feu Roy mon pere, il faloit qu’elle me fist connoistre et aimer de mes subjects, elle me voulut mener en ses pays, ce qui fut faict à mon tres-grand regret, me voyant esloingné du Roy et du roy de Pologne, desquels, oultre que nos aages estoient quasi egaux, je recepvois tant d’honneur, que le lieu du monde où je me plaisois le plus estoit d’estre en leur compagnie. Apres avoir demeuré quelque temps en ses pays, elle s’achemina pour retrouver vos majestez jusques à Nerac ; où estant, il arriva un gentil-homme de monsieur le prince de Condé, qui lui fit entendre que, leurs ennemis estant les plus forts, vos majestez s’estoient bien resolus sans doute de se deffaire de ceux qui portoient les armes, afin que plus aisement ils pussent exterminer les femmes et les enfants, et par ce moyen ruyner du tout nostre maison ; et que cela, il le sçavoit pour le certain de bonne part ; et, dans quatre ou cinq jours, qu’il seroit à La Rochelle avec sa femme et ses enfants. Ce qui l’esmut tellement à pitié que, craignant que le mesme malheur luy avint, elle se delibera de les aller trouver à La Rochelle, où elle me mena ; et mon oncle, dressant son armée, elle m’envoya avec luy, où tous ceux qui y sont venus de vostre part pour traicter la paix, vous ont pu tesmoingner le desir que j’avois d’estre auprez de vos majestez pour vous faire tres-humble service ; entre autres messieurs de Gros, de Brion et