Page:Marguerite de Navarre - Deux farces inédites, éd. Lacour, 1856.djvu/12

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repentie_, un sentiment exquis, un goût sûr, une portée philosophique et religieuse.

Ces farces,--ces comédies, si l'on veut,--ne portent pas le nom de leur auteur: est-ce à dire qu'il soit impossible à trouver? La manière d'écrire ne trahit-elle pas mieux quelquefois son homme qu'une signature, voire la plus authentique.

Ma foi, tout bien pesé, nous hasardons notre opinion, nous disons: Ces productions, à cause de l'esprit qui y règne, de la place où nous les avons rencontrées[3], de leur style exceptionnel, nous ont paru se rapprocher des oeuvres de la soeur de François I^er, la célèbre Marguerite d'Angoulême.

Telle est la supposition que nous autorise à faire la grande quantité de pièces aujourd'hui perdues, dont on sait que cette princesse est l'auteur. Les nôtres portent justement la date de 1538, époque à laquelle florissait son théâtre, florissaient les troupes d'histrions qui le représentaient. Nous traiterons ce sujet ailleurs et plus longuement, et nous examinerons les chances de vérité que notre hypothèse peut offrir[4].

On remarquera que la mise en scène n'est pas développée; c'était l'usage habituel de ces temps, et d'ailleurs on la retrouve indiquée sommairement par le récit, d'après les lois de l'ancienne poétique.

Dans ces deux farces, la vérité, le naturel des caractères sont observés avec grand soin. Catherine ne cesse pas d'être une naïve et simple enfant de dix-sept ans, Clément un amoureux timide, malgré sa loquacité de Mentor; c'est l'homme sage des comédies du dix-septième siècle, c'est presque l'amoureux des pièces de Marivaux. Ses mille détours ne sont que pour arriver à formuler ou à provoquer un aveu, et les deux farces se terminent avant qu'il ait osé ouvrir la bouche, au moment peut-être où il allait le faire.

Le second de ces ouvrages est la suite du premier: il est aussi clairement écrit, et d'une façon beaucoup moins prolixe. À ceux qui savent la grossièreté habituelle de ces temps, il est de toute évidence que ni l'un ni l'autre n'ont été composés pour une plèbe soldatesque et avinée, mais pour des goûts épurés d'une cour lettrée et non encore gâtée par les écarts des muses de la pléiade.

Mais brisons là.

C'est comme enseignement littéraire et dramatique que nous offrons la _Fille abhorrant mariaige_ et la _Vierge repentie_ à la méditation des lecteurs.

S'ils y trouvent quelque plaisir, s'ils en retirent quelque profit, d'autres publications analogues sont prêtes, qui leur seront successivement communiquées.

 LOUIS LACOUR.