Page:Marguerite de Navarre - Deux farces inédites, éd. Lacour, 1856.djvu/11

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de ce qu'ils ont écrit? Rien! Par la faute de cette indifférence coupable, des étrangers ont été contraints de prendre la plume, et leur manque de pratique, s'il n'a pas fait échouer leurs travaux, leur a, au moins, imprimé un cachet fâcheux de provisoire, et dès leur frontispice, on lit: édifice éphémère que désavouera l'avenir.

Pour écrire l'histoire complète du théâtre, il faudra les soins d'un dramaturge: tout autre écrivain marchera sans cesse à côté de la question, et, fût-il le meilleur des Aristarques, je lui conteste le droit de s'ériger en juge absolu de plusieurs siècles dramatiques, s'il n'a pas lui-même pratiqué les lois auxquelles il prétend les soumettre.

Des précédents d'une certaine valeur viennent à l'appui de ce que j'avance. On possède une ou deux histoires des petits théâtres de Paris; des vaudevillistes les ont signées, et la principale est écrite par Brazier, le plus fécond des auteurs qui aient travaillé pour eux.

L'histoire du théâtre français, par les Parfait, a pour défaut principal leur manque de pratique, et ils ne se seraient pas prononcés, comme ils l'ont fait en beaucoup de cas, s'ils avaient été autre chose que de simples compilateurs.

Mais, me direz-vous, si les auteurs dramatiques ont si peu de souci pour leur histoire, quelle récompense obtiendrait de son travail celui d'entre eux qui l'écrirait?

Aucune à l'instant, je dois le reconnaître; il en serait réduit à compter sur la gratitude fort aléatoire de la postérité.

C'est à ceux pour qui l'histoire partielle du théâtre a des charmes, de tâcher, en la faisant aimer, d'avancer le terme de cette gratitude.

Et d'abord, faisons connaître les oeuvres anciennes et leurs auteurs, et montrons l'avantage qu'il y aurait à posséder un fil d'Ariane pour se guider dans ce dédale encore inexploré de l'art dramatique, tel qu'il était conçu sur tout le globe au moyen âge.

On a si peu fait! Il reste tant à faire! Pendant que l'on voit de toutes parts les publications littéraires des siècles anciens, poésies, romans, contes, facéties, remises au jour, en fort grand nombre, et agréés avec empressement par le public; c'est à peine s'il a paru deux cent cinquante mystères, farces ou moralités[2]!

À quoi attribuer l'indifférence de la foule, même des auteurs? n'est-ce pas à une sotte prévention?

Essayons de montrer que l'on se trompe si l'on croit ne rencontrer dans ces pièces que d'informes canevas sans action, sans style.

Je publierai successivement et les nombreuses observations que j'ai recueillies sur nos anciens dramaturges, et celles de leurs oeuvres restées inédites qui me paraîtront le plus remarquables.

Je commence par deux farces, que je ne craindrais pas de décorer du nom de comédies, si le grand siècle ne se l'était pas exclusivement réservé pour ces oeuvres comiques, dont il a emporté avec lui le secret.

On trouvera dans la _Fille abhorrant mariaige_, et dans la _Vierge