INTRODUCTION
Tout brillants qu'aient été les écrivains du siècle de Louis XIV, leur
plus grande gloire est d'avoir donné le dernier coup de lime à ce beau
style que leur avaient transmis leurs ancêtres. Le siècle suivant laissa
la forme éclatante pour les grandes pensées; le nôtre, éclectique de sa
nature, a cherché à concilier les efforts de ses prédécesseurs, en
couvrant de dehors pompeux des conceptions profondes et hardies: il a
péniblement gravi les sentiers qui le conduisaient à sa ruine. On attend
une régénération, et nous n'en voyons la possibilité qu'en se retrempant
aux sources vives de notre littérature. Comment! les oeuvres qui ont
formé les La Fontaine, les Corneille, les Racine, les Pascal, les
Molière, seraient-elles destinées à n'enfanter plus que des pygmées[1]?
Les fantaisistes de nos jours, en ne demandant qu'à eux-mêmes leurs
inspirations, n'ont malheureusement rien produit; malgré cette
impuissance, chacune de leurs oeuvres, ils le proclament, est une
Minerve sortie tout armée de leur cerveau. Ils n'ont été les élèves de
personne, et ils veulent être les maîtres de tout le monde; mais plus
ils écrivent, plus l'isolement se fait autour d'eux, et l'école
toute-puissante par laquelle ils se croyaient vénérés, s'évanouit peu à
peu et disparaît comme un songe.
Diogènes du dix-neuvième siècle, qui promenez partout votre lanterne pour trouver un homme, qui rencontrez-vous? À peine une ou deux figures où brille un rayon du feu sacré. Les autres, sans expression, aux yeux incapables de fixer le ciel, portent les stigmates des races dégénérées.
Où sont les littérateurs?
Sont-ils dans ces feuilletons qui réimpriment en français de fantaisie mille anecdotes extraites de mauvais romans anglais ou français des deux derniers siècles? Si de patientes statistiques avaient relevé le nombre de romans parus, depuis qu'un livre a pu p