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Ire JOURNÉE

commencée, &, si vous voulez avoir la bonne grace d’elle, je vous conseille de vous faire amy & serviteur de luy. »

Amadour fut fort ayse de veoir que sa Dame aymoit quelque chose, espérant qu’à la longue il gaingneroit le lieu non de mary, mais de serviteur, car il ne craingnoit en sa vertu sinon qu’elle ne voulsist aymer. Et, après ces propos, s’en alla Amadour hanter le filz de l’Infant Fortuné, duquel il eut aysément la bonne grace ; car tous les passetemps que le jeune Prince aymoit, Amadour les sçavoit faire, & sur tout estoit fort adroict à manier les chevaulx & s’aider de toutes sortes d’armes, & à tous les passetemps & jeux qu’un jeune homme doibt sçavoir.

La guerre recommença en Languedoc, & fallut qu’Amadour retournast avecq le Gouverneur, ce qui ne fut sans grand regret, car il n’y avoit moyen par lequel il peust retourner en lieu où il peust veoir Floride, & pour ceste occasion, à son partement, parla à ung sien frère, qui estoit Majordome de la Royne d’Espaigne, & luy dist le bon party qu’il avoit trouvé, en la maison de la Comtesse d’Arande, de la Damoiselle Avanturade, luy priant que en son absence feist tout son possible que le mariaige vint à exécution & qu’il y employast le crédit de la Royne, & du Roy, & de tous ses amys. Le Gentil homme, qui aymoit son frère, tant pour