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Xe NOUVELLE

le lignaige que pour ses grandes vertus, luy promist y faire son debvoir, ce qu’il feit, en sorte que le père, vieulx & avaritieux, oblia son naturel pour regarder les vertus d’Amadour, lesquelles la Comtesse d’Arande & sur toutes la belle Floride luy paingnoient devant les oeilz, pareillement le jeune Conte d’Arande, qui commençoit à croistre &, en croissant, à aymer les gens vertueulx. Quand le mariaige fut accordé entre les parens, le Majordome de la Royne envoya quérir son frère, tandis que les trefves duroient entre les deux Roys.

Durant ce temps, le Roy d’Espaigne se retira à Madric pour éviter le maulvais air qui estoit en plusieurs lieux, &, par l’advis de ceulx de son Conseil, à la requeste aussi de la Comtesse d’Arande, feit le mariaige de l’heritière Duchesse de Medinaceli avec le petit Comte d’Arande, tant pour le bien & union de leur Maison que pour l’amour qu’il portoit à la Comtesse d’Arande, & voulut faire les nopces au chasteau de Madric.

À ces nopces se trouva Amadour, qui poursuivit si bien les siennes qu’il espousa celle dont il estoit plus aymé qu’il n’y avoit d’affection, sinon d’autant que ce mariaige luy estoit très heureuse couverture & moyen de hanter le lieu où son esperit demoroit incessamment. Après qu’il fut maryé, print telle hardiesse & privaulté en la maison de la Comtesse d’Arande que l’on ne se gardoit de luy