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IIJe JOURNÉE

Le Roy ne luy respondit riens sinon : « M’asseurez-vous que vous l’avez espousée ? — Ouy, Sire, » dist le bastard, « par paroles de présent seulement &, s’il vous plaist, la fin y sera mise. »

Le Roy, baissant la teste & sans luy dire aultre chose, s’en retourna droict au chasteau &, quand il fut auprès de là, il appella le Capitaine de ses Gardes & luy donna charge de prendre le bastard prisonnier.

Toutesfois ung sien amy, qui congnoissoit le visaige du Roy, l’advertit de s’absenter & se retirer en une sienne maison près de là &, si le Roy le faisoit chercher, comme il soupçonnoit, il luy feroit incontinent sçavoir pour s’en fuyr hors du royaulme ; si aussi les choses estoient adoucies, il le manderoit pour retourner. Le bastard le creut & feit si bonne diligence que le Capitaine des Gardes ne le trouva poinct.

Le Roy & la Royne regardèrent ensemble qu’ils feroyent de ceste pauvre Damoiselle, qui avoit l’honneur d’estre leur parente, & par le conseil de la Royne fut conclu qu’elle seroit renvoyée à son père, auquel l’on manda toute la vérité du faict. Mais, avant que l’envoyer, feirent parler à elle plusieurs gens d’Église & de Conseil, luy remonstrans, puis qu’il n’y avoit en son mariage que la parolle, qu’il se povoit facilement deffaire mais que l’un & l’autre se quittassent, ce que le Roy