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XXJe NOUVELLE

vouloit qu’elle feyst pour garder l’honneur de la Maison dont elle estoit.

Elle leur feit response que en toutes choses elle estoit preste d’obéyr au Roy, sinon à contrevenir à sa conscience, mais ce que Dieu avoit assemblé les hommes ne le povoient séparer les priant de ne la tanter de chose si desraisonnable, car, si amour & bonne volunté fondée sur la craincte de Dieu, sont les vraiz & seurs liens de mariaige, elle estoit si bien lyée que fer, ne feu, ne eaue ne povoient rompre son lien, sinon la mort à laquelle seule & non à aultre rendroit son anneau & son serment, les priant de ne luy parler du contraire, car elle estoit si ferme en son propos qu’elle aymoit mieulx mourir en gardant sa foy que vivre après l’avoir nyée.

Les députez de par le Roy emportèrent ceste constante response &, quand ilz veirent qu’il n’y avoit remède de luy faire renoncer son mary, l’envoyèrent devers son père en si piteuse façon que par où elle passoit chacun ploroit. Et, combien qu’elle n’eust failly, la pugnition fut si grande & sa constance telle qu’elle feyt estimer sa faulte estre vertu.

Le père, sçachant ceste piteuse nouvelle, ne la voulut poinct veoir, mais l’envoya à ung chasteau dedans une forest, lequel il avoit autrefoys edifié pour une occasion bien digne d’estre racomptée, &