Page:Marguerite de Navarre - Lettres, éd. Génin, 1841.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
6
NOTICE

jamais rhétorique plus inconcevable n’a été mise au service d’idées plus bizarres et plus incohérentes. On serait tenté de regarder les lettres de l’évêque comme l’œuvre d’un fou, et pourtant Guillaume Briçonnet passait pour un des esprits les plus distingués de son temps. Il fut chargé des intérêts de la France au concile de Pise et au concile de Latran. Dans le fatras de sa volumineuse correspondance avec la duchesse d’Alençon, vous chercheriez en vain une lueur de sens commun. Il est singulier qu’avec cette disposition au mysticisme le plus exalté, Briçonnet se soit laissé entraîner vers les doctrines de la réforme, qui procedent de l’esprit d’examen s’exerçant au moyen de la raison froide et sévère. Cela semblerait encore plus étrange, si de nos jours nous ne voyions pas le lutheranisme conduire au méthodisme, dans lequel sont renouvelées, avec quelques modifications, les idées du quiétisme et celles du jansénisme. Quoi qu’il en soit, Briçonnet, qui avait attiré dans son diocèse et dans sa ville épiscopale les fauteurs principaux de l’hérésie, Farel, Gérard Roussel, Vatable, Lefebvre d’Étaples, inspira probablement à Marguerite cette sympathie pour les disciples de Luther qu’on lui a si souvent reprochée, et qui servit mainte fois de prétexte à l’accusation d’hérésie. Si Marguerite