Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/35

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Enhardi par le silence stupéfié de sa mère, il continua :

— D’ailleurs, je ne veux plus le mettre, il est usé, il est affreux, il est grotesque, je ne le mettrai pas !

Mme Janville lui saisit les mains, et l’adjurant, avec le visage inspiré d’une pythonisse, une véhémence solennelle :

— Albert, ne dis pas cela, c’est mal, mon enfant ! un pardessus qui a coûté cent cinquante francs et que tu ne portes que depuis trois ans ! Crois-moi, je suis ta mère, ai-je intérêt à ce que mon fils soit ridicule ? Il te va admirablement, et je ne sais pas, — fit-elle avec accablement — pourquoi tu te refuses à porter une chose qui te va si bien ?

Il ricana, avec satanisme, marquant bien qu’il n’était pas dupe :

— Que veux-tu, je n’ai pas ton goût, ton excellent goût ! A quoi bon discuter d’ailleurs, je ne le mettrai pas ! Tu ferais mieux de le donner à un pauvre !

Mme Janville, qu’un long énervement portait à bout, montra un visage bouleversé, et d’un mouvement qui eût été sublime, si l’accent trop tragique de sa phrase ne l’eût teinté d’un léger ridicule :