Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/50

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en même temps, oublier qu’elle était femme, et il respirait avec une volupté inavouée un fin parfum d’iris blanc qui s’exhalait de sa personne ; il épiait ses mains, maigres et nerveuses, d’un blanc pâle sillonné de veines transparentes et bleuâtres ; il la regardait timidement ou franchement, tour à tour, au visage, et la trouvait belle et aimable ; mais, pour la première fois, chez un adolescent hanté par le mystère féminin, il n’osait pousser plus loin l’investigation hardie de sa pensée, ne se représentait pas Mme Emonot dans le secret de l’intimité et le dévoilement de son corps, comme il s’imaginait telle autre femme, moins digne et moins pure d’attitude, sa cousine Gabrielle, par exemple.

Il resta plus longtemps que les convenances ne l’y autorisaient, mais chaque fois qu’il faisait mine de se retirer, l’aimable femme, d’un geste simple, l’invitait à rester, si toutefois, disait-elle, rien ne le pressait ailleurs. Il n’eut pas le soupçon qu’en le faisant ainsi parler, qu’en l’interrogeant sur ses goûts, sur le lycée, sur sa camaraderie avec Pierre qui les écoutait, paisible, avec son sourire réfléchi, elle cherchait peut-être, par prudence maternelle, à discerner ce que des rapports d’amitié entre les