Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/64

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Archer alors embrassa sa fille, puis sa femme et tranquillement se mit à manger, par bouchées puissantes et décisives, que coupaient des soupirs de résignation, tandis que Gabrielle parlait, parlait avec une loquacité exaltée et une fièvre presque joyeuse.

— Ce que c’est que de nous ! — répétait Mme Janville. — Dis à ton mari de ne pas tant se presser, qu’il a le temps.

— Oui, ne mange pas si vite, mon petit Ferdinand. Tu te feras mal à l’estomac ; il mange toujours trop vite, — fit-elle en se tournant vers les Janville, — rien n’y fait, le médecin te l’a dit, pourtant !

Archer se versa du vin, s’arrêta à mi-verre, comme un homme qui ne boit que par nécessité, se concède le strict nécessaire ; puis, prenant son parti de l’irréparable, d’un geste qui acceptait la vie, il pencha la bouteille et se versa rasade.

— Au pauvre Bernard, fit-il en ébauchant un toast discret et en portant le verre à sa bouche il fit clapper sa langue, en connaisseur, et dit :

— Il n’en boira plus d’aussi bon.

Ce fut l’oraison funèbre de l’associé. A partir de là, un vertige emplit la maison, un va-et-vient