Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/70

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de l’horrible angoisse de ses doutes, de ses désirs, de sa timidité, d’il ne savait quoi de torturant qui lui criait d’oser, et qui en même temps lui montrait le péril d’un éclat, Gabrielle ordonnant au cocher d’arrêter, se jetant hors de la voiture, révélant tout ensuite à Ferdinand... ? Fût-ce plutôt qu’il la pressentit complaisante, amollie étrangement, victime d’un instant unique de langueur... ? le hasard en fut-il à un simple cahot qui les jeta l’un contre l’autre, le sûr est qu’il glissa son bras autour de la taille de Gabrielle et avança la bouche pour l’embrasser ; s’y prêta-t-elle, n’esquiva-t-elle pas assez vite ? leurs lèvres se rencontrèrent. Ce baiser fondit dans les moelles d’Albert, il crut mourir de plaisir. Elle s’était rejetée vivement en arrière, saisie, et son premier regard fut pour le dos aveugle et sourd du cocher, tandis qu’elle balbutiait :

— Bébé, grand bébé.

Et aussitôt, dans une reprise de soi-même et un retour de dignité offensée trop tard :

— Ne recommence jamais !

Ce ton le blessa, il tourna dédaigneusement la tête et bouda ; en même temps, il sentait bien que c’était contre lui-même, que le moment précieux