Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/71

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passait ; déjà les premières maisons de Vimeuse apparaissaient, points de feu et vitres pâles, la voiture allait s’arrêter, et l’occasion perdue reste-rait à jamais perdue. Il avait laissé derrière la taille de Gabrielle son bras inerte, mort, et que l’immobilité engourdissait. Très doucement il ranima la pression, cherchant sournoisement les pieds de la jeune femme avec les siens, approchant la tête de son visage. Elle ne bougeait, comme absorbée en elle-même, hostile peut-être, et décidée à ne lui jamais pardonner. Mais peut-être aussi attendait-elle quelque chose ? Dans son indécision il n’osa qu’appuyer la tête sur l’épaule de Brielle, peu à peu leurs joues se touchèrent, la fraîcheur et la douceur de cette peau lui procura une indicible sensation ; en même temps il sentait un fin parfum âcre, relant du cigare d’Archer, persistant dans le boa de plumes qui entourait le cou de Gabrielle. Tout bas, tout bas il l’entendit soupirer, elle ne défendait pas sa main qu’il avait prise avec lenteur, et elle murmurait presque avec regret :

— Tu es trop grand, maintenant, mon petit Albert, tu es trop grand !

Mais il secoua la tête, et tout en la serrant