Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/72

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tendrement, se rencogna, rentra ses jambes, il eût voulu se rapetisser, devenir un baby à culottes courtes, pour qu’elle pût le choyer et le caresser. Et sans bruit, sans geste, il posa ses lèvres sur le cou parfumé de sa « tante » et y aspira un baiser de chair, long et suave :

— Grand bébé, — fit-elle tout bas, — quel bébé tu fais !

Alors il l’étreignit à se pâmer, elle ne se dégagea point, comme morte délicieusement. La voiture, roulant avec bruit sur les pavés et s’arrêtant bientôt devant le chalet les réveilla. Gabrielle sauta à terre et congédia le cocher, qui s’éloigna sur-le-champ.

— Déjà... — murmura Albert, sortant à regret de son rêve, et sentant tourner la terre autour de lui. — Oh ! ne rentrons pas encore.

Gabrielle hésita :

— Mais où veux-tu aller, mon petit Albert, qu’est-ce que tu veux faire à cette heure ? d’ailleurs ta mère a entendu la voiture. Ren-trons !

Mme Janville en effet criait, du haut du perron, dans l’obscurité du jardin :

— Est-ce toi, Gabrielle, est-ce toi, Albert ?

— C’est nous, s’empressa de répondre Gabrielle, et comme le jeune, homme se faufilait à ses côtés pour lui reprendre la main, elle le repoussa et se mit à marcher très vite.

Il la détesta alors, ne sut plus vraiment comment interpréter la douceur de son abandon récent et la rudesse, maintenant, de son geste. Peut-être n’avait-elle pas compris l’ardeur muette, l’étreinte de possession dont il l’avait enveloppée, était-ce par une maternité complaisante, mais platonique et qui n’entendait point aller