Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/338

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les justifie ? Est-ce ma physionomie qui vous les inspire, et les mérite-t-elle ? Et faut-il que ce soit vous qui me fassiez cet outrage ? Faut-il que des sentiments tels que les miens me l’attirent ? Et les dieux, qui savent mes desseins, ne me le devaient-ils pas épargner ? Non, Seigneur, je ne viens point ici troubler le cœur d’Agis ; tout élevé qu’il est par vos mains, tout fort qu’il est de la sagesse de vos leçons, ce déguisement pour lui n’eût pas été nécessaire ; si je l’aimais, j’en aurais espéré la conquête à moins de frais, il n’aurait fallu que me montrer peut-être, que faire parler mes yeux : son âge et mes faibles appas m’auraient fait raison de son cœur. Mais ce n’est pas à lui à qui le mien en veut ; celui que je cherche est plus difficile à surprendre, il ne relève point du pouvoir de mes yeux, mes appas ne feront rien sur lui ; vous voyez que je ne compte point sur eux, que je n’en fais pas ma ressource ; je ne les ai pas mis en état de plaire ; et je les cache sous ce déguisement parce qu’ils me seraient inutiles.

HERMOCRATE

Mais ce séjour que vous voulez faire chez moi, Madame, qu’a-t-il de commun avec vos desseins, si vous ne songez pas à Agis ?

PHOCION

Eh quoi ! toujours Agis ! Eh ! Seigneur, épargnez à votre vertu le regret d’avoir offensé la mienne ; n’abusez point contre moi des apparences d’une aventure peut-être encore plus louable qu’innocente, que vous me voyez soutenir avec un courage qui doit