Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/340

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HERMOCRATE

Non, Madame, je n’écoute plus rien, toute justification est inutile, vous n’avez rien à craindre de mes idées ; calmez vos inquiétudes là-dessus ; mais, de grâce, laissez-moi. Suis-je fait pour être aimé ? Vous attaquez une âme solitaire et sauvage, à qui l’amour est étranger ; ma rudesse doit rebuter votre jeunesse et vos charmes, et mon cœur en un mot ne pourrait rien pour le vôtre.

PHOCION

Eh ! je ne lui demande point de partager mes sentiments, je n’ai nul espoir ; et si j’en ai, je le désavoue : mais souffrez que j’achève. Je vous ai dit que je vous aime, voulez-vous que je reste en proie à l’injure que me ferait ce discours-là, si je ne m’expliquais pas ?

HERMOCRATE

Mais la raison me défend d’en entendre davantage.

PHOCION

Mais ma gloire et ma vertu, que je viens de compromettre, veulent que je continue. Encore une fois, Seigneur, écoutez-moi. Vous paraître estimable est le seul avantage où j’aspire, le seul salaire dont mon cœur soit jaloux : qu’est-ce qui vous empêcherait de m’entendre ? Je n’ai rien de redoutable que des charmes humiliés par l’aveu que je vous fais, qu’une faiblesse que vous méprisez, et que je vous apporte à combattre.

HERMOCRATE

J’aimerais encore mieux l’ignorer.