Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/364

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qu’elle soit juge entre vous et moi. Je suis chez vous ; vous m’y avez souffert ; vous savez que je vous aime ; me voilà pénétré de la passion la plus tendre ; vous me l’avez inspirée, et je partirais ! Eh ! Léontine, demandez-moi ma vie, déchirez mon cœur, ils sont tous deux à vous ; mais ne me demandez point des choses impossibles.

LÉONTINE

Quelle vivacité de mouvements ! Non, Phocion, jamais je ne sentis tant la nécessité de votre départ, et je ne m’en mêle plus. Juste ciel ! que deviendrait mon cœur avec l’impétuosité du vôtre ? Suis-je obligée, moi, de soutenir cette foule d’expressions passionnées qui vous échappent ? Il faudrait donc toujours combattre, toujours résister, et ne jamais vaincre. Non, Phocion ; c’est de l’amour que vous voulez m’inspirer, n’est-ce pas ? Ce n’est pas la douleur d’en avoir que vous voulez que je sente, et je ne sentirais que cela : ainsi, retirez-vous, je vous en conjure, et laissez-moi dans l’état où je suis.

PHOCION

De grâce, ménagez-moi, Léontine ; je m’égare à la seule idée de partir ; je ne saurais plus vivre sans vous : je vais remplir ces lieux de mon désespoir ; je ne sais plus où je suis !

LÉONTINE

Et parce que vous êtes désolé, il faut que je vous aime ? Qu’est-ce que cette tyrannie-là ?