Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/115

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à mes yeux, cette maison que je n’aurais voulu ni habiter ni perdre de vue.

Enfin nous entrâmes dans le bourg, et me voici chez M. Villot avec sa femme, que je ne connaissais point, et qui me reçut avec l’air et les façons dont j’avais besoin dans l’état où j’étais ; je ne me trouvais point étrangère avec elle. On est tout d’un coup lié avec les gens qui ont le cœur bon, quels qu’ils soient ; ce sont comme des amis que vous avez dans tous les états,

Ce fut ainsi que je fus accueillie, et le premier avantage que j’en retirai fut d’être délivrée de cette crainte stupide, de cet abattement d’esprit où j’avais langui jusque-là ; j’osai du moins alors pleurer et soupirer à mon aise.

Mes tantes avaient réduit ma douleur à se taire ; le zèle et les caresses de ces gens-ci la mirent en liberté ; cela la rendit plus tendre, par conséquent plus douce, et puis la dissipa insensiblement, à l’attendrissement près qui me resta en songeant à Mme de Tresle, et que j’ai encore quand je parle d’elle.

J’avais écrit à ma mère, et il y avait toute apparence que M. Villot ne me garderait que dix ou douze jours. Et point du tout ; ma mère m’écrivit en quatre lignes de rester chez lui, sous prétexte d’avoir un voyage à faire avec son mari, et de m’emmener ensuite à Paris avec elle.

Mais ce voyage qu’elle remettait de mois en mois ne se fit point, et le tout se termina par me marquer bien franchement qu’elle ne savait plus quand elle viendrait,