Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/116

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mais qu’elle allait prendre des arrangements pour me faire venir à Paris ; ce qui n’eut aucun effet non plus, malgré la quantité de lettres dont je la fatiguai depuis, et auxquelles elle ne répondit point ; de façon que je me lassai moi-même de lui écrire, et que je restai chez ce fermier, aussi abandonnée que si je n’avais point eu de famille, à quelque argent près qu’on envoyait rarement pour m’habiller, avec une petite pension qu’on payait pour moi, et dont la médiocrité n’empêchait pas mes généreux hôtes de m’aimer de tout leur cœur, et de me respecter en m’aimant.

De mes tantes, je ne vous en parle point ; je ne les voyais, tout au plus, que deux fois par an.

J’avais quatre ou cinq compagnes dans le bourg et aux environs ; c’étaient des filles de bourgeois du lieu, avec qui je passais une partie de la journée, ou les filles de quelques gentilshommes voisins, et dont les mères m’emmenaient quelquefois dîner chez elles, quand le fermier, qui avait affaire à leurs maris, devait venir me reprendre.

Les demoiselles (j’entends les filles nobles), en qualité de mes égales, m’appelaient Tervire, et me tutoyaient, et s’honoraient un peu, ce me semble, de cette familiarité, à cause de Mme la marquise ma mère.

Les bourgeoises, un peu moins hardies, malgré qu’elles en eussent, usaient de finesse pour sauver leur petite vanité, et me donnaient un nom qui paraissait les mettre au pair. J’étais ma chère amie pour