Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

simple et modeste, avait un peu trop bonne grâce, et les gens dont je viens de parler se défiaient de tout cela ; mais à peine osaient-ils montrer leur défiance, dans la crainte de passer pour de mauvais esprits.

Cette veuve avait écrit à ma mère que je la voyais souvent, et il est vrai que j’aimais sa douceur et ses manières affectueuses.

Vous vous ressouvenez que je n’avais pas de bien. Ma mère, qui ne savait que faire de moi, et qui aurait souhaité que je ne vinsse jamais à Paris, où je n’aurais pu prendre les airs d’une fille de condition, ni vivre convenablement à sa vanité et au rang qu’elle y tenait, lui témoigna combien elle lui serait obligée si elle pouvait adroitement m’inspirer l’envie d’être religieuse. Là-dessus la veuve entreprend d’y réussir.

La voilà qui donne le mot à toute cette société de gens de bien, afin qu’ils concourent avec elle au succès de son entreprise ; elle redouble de caresses et d’amitié pour moi ; et il est vrai qu’une fille de mon âge, et d’une aussi jolie figure qu’on disait que je l’étais, ne lui aurait pas fait peu d’honneur de s’aller jeter dans un couvent au sortir de ses mains.

Elle me retenait presque tous les jours à souper, et même à coucher chez elle ; à peine pouvait-elle se passer de me voir depuis le matin jusqu’au soir. M. et Mme Villot étaient charmés de mon attachement pour elle, ils m’en louaient, ils m’en estimaient encore davantage, et tout le monde pensait comme eux ; je m’affectionnais moi-même aux éloges que je m’entendais donner ; j’étais flattée de cet applaudissement