Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/117

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elles ; c’est une remarque que je fais en passant, pour vous amuser.

Voilà comment je vécus jusqu’à l’âge de près de dix-sept ans.

Il y avait alors à un petit demi-quart de lieue de notre bourg un château où j’allais assez souvent. Il appartenait à la veuve d’un gentilhomme qui était mort depuis dix ou douze ans ; elle avait été autrefois une des compagnes de ma mère et sa meilleure amie ; je pense aussi qu’elles avaient été mariées à peu près dans le même temps, et qu’elles s’écrivaient quelquefois.

Cette veuve pouvait avoir alors environ quarante ans, femme bien faite et de bonne mine, et à qui sa fraîcheur et son embonpoint laissaient encore un assez grand air de beauté ; ce qui, joint à la vie régulière qu’elle menait, à des mœurs qui paraissaient austères, et à ses liaisons avec tous les dévots du pays, lui attiraient l’estime et la vénération de tout le monde ; d’autant plus qu’une belle femme édifie plus qu’une autre, quand elle est pieuse, parce qu’ordinairement elle a besoin d’un plus grand effort pour l’être.

Il y avait bien quelques personnes dans nos cantons qui n’étaient pas absolument sûres de cette grande piété qu’on lui croyait.

Parmi les dévots qui allaient souvent chez elle, on remarquait qu’il y avait toujours eu quelques jeunes gens, soit séculiers, soit ecclésiastiques ou abbés, et toujours bien faits. Elle avait d’ailleurs de grands yeux assez tendres ; sa façon de se mettre, quoique