Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/129

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trop réussi, à qui il faut que vous parliez, et qui s’appelle…

Elle me le nomma alors tout de suite, dans le désordre des mouvements qui l’agitaient ; et jugez quelle fut ma surprise, quand elle prononça le nom d’un homme que je voyais presque tous les jours chez Mme de Sainte-Hermières, et qui était un jeune abbé de vingt-sept à vingt-huit ans, qui à la vérité n’avait encore aucun engagement bien sérieux dans l’état ecclésiastique, qui jouissait cependant d’un petit bénéfice, qui passait pour être très pieux, qui avait la conduite et l’air d’un homme qui l’est beaucoup, et que je croyais moi-même d’une sagesse de mœurs irréprochable ! Aussi, en apprenant que c’était lui, je ne pus m’empêcher de faire un cri.

Je sais, ajouta-t-elle, que vous le voyez très souvent ; nous sommes alliés, et il m’a trompé dans ses visites ; peut-être s’y est-il trompé lui-même. Il m’a, dit-il, aimée sans qu’il l’ait su, et je crois que ma faiblesse vient d’avoir su qu’il m’aimait ; depuis ce temps-là, il me persécute, et je l’ai souffert. Mais montrez-lui sa lettre, dites-lui que je ne l’ai point lue ; dites-lui que je ne veux plus le voir, qu’il me laisse en repos, par pitié pour moi, par pitié pour lui ; faites-lui peur de Dieu même, qui me défend encore contre lui, qui ne me défendrait pas longtemps, et sur qui il aurait le malheur de l’emporter, s’il continue de me poursuivre ; dites-lui qu’il doit trembler de l’état où je suis. Je ne réponds de rien, si je le revois ; je suis capable de le suivre, je suis capable