Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/133

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ses pleurs et pénétrée jusqu’au désespoir de l’égarement d’un homme qui lui a écrit, il y a six ou sept heures, dont elle déteste les visites passées, dont elle n’en veut recevoir de la vie, qui tenterait inutilement de la revoir encore, et à qui elle m’a prié de rendre son billet que voici, ajoutai-je en le tirant de ma poche, où il s’était ouvert je ne sais comment. Apparemment que la religieuse en avait déjà à moitié rompu le cachet, dont la rupture dut lui persuader, sans doute, que je l’avais lu, et qu’ainsi je savais jusqu’où il était dégagé de scrupules en fait de religion et de bonnes mœurs, en fait de probité même ; car je me doutais, sur tous les discours de la religieuse, qu’il ne s’était pas agi de moins que d’un enlèvement, et il n’y avait guère qu’un malhonnête homme qui eût pu en avoir fait la proposition.

Il prit le billet d’une main tremblante, et je le quittai sur-le-champ. Adieu, monsieur, lui dis-je ; ne craignez rien de ma part, je vous promets un secret inviolable ; mais craignez tout de mon amie, bien résolue d’éclater à quelque prix que ce soit, si vous continuez à la poursuivre.

Elle ne m’avait pas chargée de lui faire cette menace, mais je crus pouvoir l’ajouter de mon chef ; c’était encore un secours que je prêtais à cette fille, dont le péril me touchait, et je pris sur moi d’aller jusque-là pour effrayer l’abbé, et pour lui ôter toute envie de renouer l’intrigue.

J’y réussis en effet ; il ne retourna pas au couvent, et j’en débarrassai la religieuse, ou, pour mieux dire,