Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/134

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j’en débarrassai sa vertu ; car pour elle, il y avait des moments où elle aurait donné sa vie pour le revoir, à ce qu’elle me disait, dans quelques entretiens que j’eus encore avec elle.

Cependant, à force de prières, de combats et de gémissements, ses peines s’adoucirent, elle acquit de la tranquillité ; insensiblement elle s’affectionna à ses devoirs, et devint l’exemple de son couvent par sa piété.

Quant à l’abbé, cette aventure ne le rendit pas meilleur ; apparemment qu’il ne méritait pas d’en profiter. La religieuse n’était qu’une égarée ; l’abbé était un perverti, un faux dévot en un mot, et Dieu, qui distingue nos faiblesses de nos crimes, ne lui fit pas la même grâce qu’à elle, comme vous l’allez voir par le récit d’un des plus tristes accidents de ma vie.

Je retournai le lendemain après-midi chez Mme de Sainte-Hermières, qui était alors enfermée dans son oratoire, et que deux ou trois de nos amis communs attendaient dans la salle.

Elle descendit un quart d’heure après, et d’aussi loin qu’elle me vit : Vous voilà donc, petite ! me cria-t-elle comme en soupirant sur moi. Hélas ! je songeais tout à l’heure à vous, vous m’avez distrait dans ma prière. Voici le temps où je n’aurai plus le plaisir de vous voir parmi nous, mais vous n’en serez que mieux. Nous allons être séparés d’elle, messieurs ; c’est dans la maison de Dieu qu’il faudra désormais chercher notre prédestinée.

D’où vient donc, madame ? lui dis-je avec un sourire que j’affectai pour cacher la rougeur dont je ne