Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/153

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je. Oui, me dit-il, en voici la preuve ; lisez votre billet. Il me montra celui que Mme de Sainte-Hermières m’avait fait écrire pour elle.

Ah ! l’indigne, l’abominable homme ! Ah ! monstre que vous êtes ! lui dis-je en retombant dans mon fauteuil ; ah ! mon Dieu !

Ma surprise et mes pleurs me coupèrent alors la parole ; je fondis en larmes ; je me débattais comme une égarée dans mon fauteuil.

Il vit mon état sans s’émouvoir et avec la tranquillité d’un scélérat. Je fus tentée de me jeter sur lui, de le déchirer si je l’avais pu ; et puis tout à coup, par un autre mouvement, je tombai à ses genoux. Ah ! monsieur, lui dis-je, monsieur, pourquoi me perdez-vous ? Que vous ai-je fait ? Souvenez-vous de l’estime qu’on a pour vous, souvenez-vous du service que je vous ai rendu ; je me suis tue, je me tairai toute ma vie.

Il me releva, toujours avec le même sang-froid. Quand vous ne vous tairiez pas, vous n’en seriez point crue ; vous passeriez pour une jalouse, me répondit-il, et vous ne pouvez plus me faire tort. Calmez-vous, tout ceci va finir, et je vous sers ; je ne veux que vous délivrer d’un mariage qui vous répugne à vous-même, et qui allait me ruiner ; voilà tout.

Pendant qu’il me tenait ce discours,. j’entendis la voix de plusieurs personnes. On ouvrit subitement ma porte, et le premier objet qui me frappa, ce fut M. le baron de Sercour, accompagné de Mme de Sainte-Hermières, tous deux suivis de cet ami qui avait soupé avec nous et qui tenait une épée nue,