Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/210

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pour faire beaucoup de ravage ; que d’avoir passé sa jeunesse dans une ville. Il faut que ce soit une de ces figures-là que mon cousin Dursan ait eu le malheur de rencontrer, ajoutai-je d’un air simple et naïf, mais à la campagne, où Brunon a vécu, une fille, quelque aimable qu’elle soit, se trouve comme enterrée, et n’est un danger pour personne.

Ma tante, à ce discours, levait les épaules et ne disait plus rien.

Dursan le fils revenait de temps en temps avec son père. Mme Dorfrainville les amenait tous deux et les descendait au haut de l’avenue, d’où ils passaient dans le bois, où j’allais les voir quelques moments ; et la dernière fois que le père y vint, je le trouvai si malade, il avait l’air si livide et si bouffi, les yeux si morts, que je doutai très sérieusement qu’il pût s’en retourner, et je ne me trompais pas.

Il ne s’agit plus de moi, ma chère cousine ; je sens que je nie meurs, me dit-il ; il y a un an que je languis, et depuis trois mois mon mal est devenu une hydropisie qu’on n’a pas aperçue d’abord, et dont je n’ai pas été en état d’arrêter le progrès.

Mme Dorfrainville m’a donné un médecin depuis que je suis chez elle, elle m’a procuré tous les secours qu’elle a pu ; mais il y a apparence qu’il n’était plus temps, puisque mon mal a toujours augmenté depuis. Aussi ne me suis-je efforcé de venir aujourd’hui ici que pour vous recommander une dernière fois les intérêts de ma malheureuse famille.

Après tout ce que je vous ai dit, lui repartis-je, ce