Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/213

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Dursan malade, ou plutôt mourant ; Dursan que sa misère et ses infirmités avaient rendu méconnaissable, ne pouvait pas être rejeté de sa mère quand elle le verrait dans cet état-là, et ne serait plus ce fils à qui elle avait résolu de ne jamais pardonner.

Quoi qu’il en soit, je courus à la maison, j’en amenai deux de nos gens, qui le prirent dans leurs bras, et je fis ouvrir un petit appartement qui était à rez-de-chaussée de la cour, et où on le transporta. Il était si faible qu’il fallut l’arrêter plusieurs fois dans le trajet, et je le fis mettre au lit persuadée qu’il n’avait pas longtemps à vivre.

La plupart des gens de ma tante étaient dispersés alors. Nous n’en avions pour témoins que trois ou quatre, devant qui Mme Dursan contraignait sa douleur, comme je le lui avais recommandé, et qui, sur les expressions de Dursan le fils, apprenaient seulement que le malade était son père ; mais cela n’éclaircissait rien, et me fit venir une nouvelle idée.

L’état de M. Dursan était pressant ; à peine pouvait-il prononcer un mot. Il avait besoin des secours spirituels, il n’y avait pas de temps à perdre, il se sentait si mal qu’il les demandait ; et il était presque impossible de les lui procurer à l’insu de sa mère : je craignais d’ailleurs qu’il ne mourût sans la voir ; et sur toutes ces réflexions, je conclus qu’il fallait d’abord commencer par informer ma tante qu’elle avait un malade chez elle.

Brunon, dis-je brusquement à Mme Dursan, ne quittez point monsieur ; quant à vous autres, retirez-