Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/257

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pas, sans lui dire cependant que j’étais sa fille.

Oui, me dit-il ; je l’ai vue deux ou trois fois avant la mort de son mari, qui m’avait en ce temps-là chargé de quelque affaire, mais depuis qu’il est mort, je ne sais plus ce qu’elle est devenue, j’ai seulement ouï dire qu’elle n’était pas fort heureuse.

Eh ! quel est donc son état ? lui répondis-je avec une émotion que j’avais bien de la peine à cacher. Son fils est si riche et si grand seigneur ! ajoutai-je. Il est vrai, reprit-il, et il a épousé la fille de M. le duc de… Mais je crois la marquise brouillée avec lui et avec sa belle-fille. Cette marquise n’était, dit-on, que la veuve d’un très mince et très pauvre gentilhomme de province, dont défunt le marquis devint amoureux dans le pays, et qu’il épousa assez étourdiment, tout riche et tout grand seigneur qu’il était lui-même. Aujourd’hui qu’il est mort, et que le fils qu’il a eu d’elle s’est marié avec la fille du duc de… il se peut bien faire que cette fille du duc, je veux dire que Mme la marquise la jeune, ne voie pas de très bon œil une belle-mère comme la vieille marquise, et ne se soucie pas beaucoup de se voir alliée à tous les petits houbereaux de sa famille et de celle de son premier mari, dont on dit aussi qu’il reste une fille qu’on n’a jamais vue, et qu’apparemment on n’est pas curieux de voir. Voilà à peu près ce que je puis recueillir de tous les propos que j’ai entendu tenir à ce sujet là.

Les larmes coulaient de mes yeux pendant qu’il