Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/34

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pendant toutes les humiliations quelle m’avait données ; j’avais enduré le récit de mes misères. À quoi m’eût servi de me défendre ou de me plaindre ? Il n’était plus douteux que j’avais affaire à une fille toute déterminée à suivre son penchant ; je voyais bien que Valville s’était justifié auprès d’elle, qu’il l’avait gagnée, et qu’elle ne cherchait à le disculper auprès de moi, que pour se dispenser elle-même de le mépriser autant qu’elle s’y était engagée. Je le voyais bien, et mes reproches n’eussent abouti à rien.

Mais cette haine dont elle avait la cruauté de me parler, et qu’on prédisait à Valville qu’il aurait pour moi, ces malédictions qu’il donnerait au jour de notre connaissance, me percèrent le cœur et poussèrent ma patience à bout.

Ah ! c’en est trop, mademoiselle, m’écriais-je, c’en est trop ! Lui, me détester ! Lui, maudire le temps où il m’a vue ! Et vous avez le courage de me l’annoncer, de venir m’entretenir d’une idée aussi affreuse, et de m’en entretenir sous prétexte d’amitié, pour me consoler, dites-vous, pour diminuer mon affliction. Et vous croyez que je ne vous entends pas, que je ne vois pas le fond de votre cœur ! Ah ! Seigneur ! à quoi bon me déchirer comme vous faites ? Eh ! ne sauriez-vous l’aimer sans achever de m’ôter la vie ? Vous voulez qu’il soit innocent, vous voulez que j’en convienne. Eh bien ! mademoiselle, il l’est ; rendez-lui votre estime ; il a bien fait, il devait rougir de m’aimer : je vous l’accorde, je vous passe l’énumération de tous les opprobres dont notre mariage le couvrirait. Oui,