Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voir ; mais je raccommodais cela par le plaisir que je lui marquais en la voyant ; et du tout ensemble, il résultait que je l’aimais, comme c’était la vérité, mais d’un amour assez tranquille.

Dans la certitude où elle en était, et dans la peur qu’elle eut de me perdre (car elle n’avait rien, ni moi non plus), elle songea que les offres de monsieur, que son argent, et le bien qu’il promettait de lui faire, seraient des moyens d’accélérer notre mariage. Elle espéra que sa fortune, quand elle en jouirait, me tenterait à mon tour, et me ferait surmonter les premiers dégoûts que je lui en avais montrés.

Dans cette pensée, Geneviève répondit aux discours de son maître avec moins de rigueur qu’à l’ordinaire, et se laissa ouvrir la main pour recevoir l’argent qu’il lui offrait toujours.

En pareil cas, quand le premier pas est fait, on a le pied levé pour en faire un second, et puis on va son chemin.

La pauvre fille reçut tout ; elle fut comblée de présents ; elle eut de quoi se mettre à son aise : et quand elle se vit en cet état, un jour que nous nous promenions ensemble dans le jardin de la maison : Monsieur continue de me poursuivre, me dit-elle adroitement, mais d’une manière si honnête que je ne saurais m’en scandaliser ; quant à moi, il me suffit d’être sage, et, sauf ton meilleur avis, je crois que je ne ferais pas si mal de profiter de l’humeur libérale où il est pour moi ; il sait bien que son amour est inutile, je ne lui cache pas qu’il n’aboutira à rien : Mais