Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/404

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Et ce qui fut promis fut tenu ; j’eus le lendemain six louis d’or à mon commandement, qui joints à trois que madame m’avait donnés pour payer un maître à écrire, me faisaient neuf prodigieuses, neuf immenses pistoles ; je veux dire qu’ils composaient un trésor pour un homme qui n’avait jamais que des sous marqués dans sa poche.

Peut-être fis-je mal en prenant l’argent de Geneviève ; ce n’était pas, je pense, en agir dans toutes les règles de l’honneur ; car enfin, j’entretenais cette fille dans l’idée que je l’aimais et je la trompais : je ne l’aimais plus, elle me plaisait pourtant toujours, mais rien qu’aux yeux, et plus au cœur.

D’ailleurs, cet argent qu’elle m’offrait n’était pas chrétien, je ne l’ignorais pas, et c’était participer au petit désordre de conduite en vertu duquel il avait été acquis ; c’était du moins engager Geneviève à continuer d’en acquérir au même prix : mais je ne savais pas encore faire des réflexions si délicates, mes principes de probité étaient encore fort courts ; et il y a apparence que Dieu me pardonna ce gain, car j’en fis un très bon usage ; il me profita beaucoup : j’en appris à écrire et l’arithmétique,