Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/412

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Mais est-on heureux quand on a honte de l’être ? Est-ce un plaisir que d’être à son aise à contre-cœur ? quelle perplexité !

Ce fut là tout ce qui se présenta en un instant à mon esprit. Pour surcroît d’embarras, je regardais ce rouleau d’argent qui était sur la table, il me paraissait si rebondi ! quel dommage de le perdre !

Cependant monsieur, surpris de ce que je ne lui disais rien, et que je ne prenais pas le rouleau qu’il avait mis là pour appuyer son discours, me demanda à quoi je pensais ? Pourquoi ne me dis-tu mot ? ajouta-t-il.

Hé ! monsieur, répondis-je, je rêve, et il y a bien de quoi. Tenez, parlons en conscience ; prenez que je sois vous, et que vous soyez moi. Vous voilà un pauvre homme. Mais est-ce que les pauvres gens aiment à être cocus ? Vous le serez pourtant, si je vous donne Geneviève en mariage. Eh bien ! voilà le sujet de ma pensée.

Quoi ! me dit-il là-dessus, est-ce que Geneviève n’est pas une honnête fille ? Fort honnête, repris-je, pour ce qui est en cas de faire un compliment ou une révérence : mais pour ce qui est d’être la femme d’un mari, je n’estime pas que l’honnêteté qu’elle a soit propre à cela.

Eh ! qu’as-tu donc à lui reprocher ? me dit-il. Hé, hé, hé, repris-je en riant, vous savez mieux que moi les tenants et les aboutissants de cette affaire-là, vous y étiez et je n’y étais pas ; mais on sait bien à peu près comment cela se gouverne. Tenez, monsieur,