Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/434

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Ce serait bien dommage que vous le devinssiez jamais, me dit-elle en jetant sur moi un regard bénévole et dévotement languissant ; vous ne me semblez pas fait pour tomber dans un si grand malheur.

Vous avez raison, repris-je, madame ; Dieu m’a fait la grâce d’être simple et de bonne foi, et d’aimer les honnêtes gens.

Cela est écrit sur votre visage, me dit-elle ; mais vous êtes bien jeune. Quel âge avez-vous ? Pas encore vingt ans, repris-je.

Et notez que, pendant cette conversation, nous cheminions d’une lenteur étonnante, et que je la soulevais presque de terre, pour lui épargner la peine de se traîner.

Mon Dieu ! mon fils, que je vous fatigue ! me disait-elle. Non, madame, lui répondis-je ; ne vous gênez point, je suis ravi de vous rendre ce petit service. Je le vois bien, reprenait-elle ; mais dites-moi, mon cher enfant, qu’êtes-vous venu faire à Paris ? À quoi vous occupez-vous ?

À cette question, je m’imaginai heureusement que cette rencontre pouvait tourner à bien. Quand elle m’avait dit que ce serait dommage que je devinsse méchant, ses yeux avaient accompagné ce compliment de