Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/435

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tant de bonté, d’un si grand air de douceur, que j’en avais tiré un bon augure. Je n’envisageais pourtant rien de positif sur les suites que pouvait avoir ce coup de hasard ; mais j’en espérais quelque chose, sans savoir quoi.

Dans cette opinion, je conçus aussi que mon histoire était très bonne à lui raconter et très convenable.

J’avais refusé d’épouser une belle fille que j’aimais, qui m’aimait et qui m’offrait ma fortune, et cela par un dégoût fier et pudique qui ne pouvait avoir frappé qu’une âme de bien et d’honneur. N’était-ce pas là un récit bien avantageux à lui faire ? Et je le fis de mon mieux, d’une manière naïve, et comme on dit la vérité.

Il me réussit, mon histoire lui plut tout à fait.

Le Ciel, me dit-elle, vous récompensera d’une si honnête façon de penser, mon garçon, je n’en doute pas ; je vois que vos sentiments répondent à votre physionomie. Oh ! madame, pour ma physionomie, elle ira comme elle pourra ; mais voilà de quelle humeur je suis pour le cœur.

Ce qu’il dit là est si ingénu ! dit-elle avec un souris bénin. Écoutez, mon fils, vous avez bien des grâces à rendre à Dieu, de ce cœur droit qu’il vous a donné ; c’est un don plus précieux que tout l’or du monde, un bien pour l’éternité ; mais il faut le conserver, vous n’avez pas d’expérience, et il y a tant de pièges à Paris pour votre innocence, surtout à l’âge où vous êtes. Écoutez-moi ; c’est le ciel apparemment qui a permis que je vous rencontrasse. Je vis avec une sœur