Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/441

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pour y jouir superbement d’une posture de méditatifs, s’exciter à des transports pieux, afin de croire qu’on a une âme bien distinguée, si on en attrape ; en sentir en effet quelques-uns que l’ardente vanité d’en avoir a fait naître, et que le diable, qui ne les laisse manquer de rien pour les tromper, leur donne. Revenir de là tout gonflé de respect pour soi-même, et d’une orgueilleuse pitié pour les âmes ordinaires. S’imaginer ensuite qu’on a acquis le droit de se délasser de ses saints exercices par mille petites mollesses qui soutiennent une santé délicate.

Tels sont ceux que j’appelle des dévots, de la dévotion desquels le malin esprit a tout le profit, comme on le voit bien.

À l’égard des personnes véritablement pieuses, elles sont aimables pour les méchants mêmes, qui s’en accommodent bien mieux que de leurs pareils ; car le plus grand ennemi du méchant, c’est celui qui lui ressemble.

Voilà, je pense, de quoi mettre mes pensées sur les dévots à l’abri de toute censure.

Revenons à Catherine, à l’occasion de qui j’ai dit tout cela.

Catherine donc avait un trousseau de clefs à sa ceinture, comme une tourière de couvent. Apportez des œufs frais à ma sœur, qui est à jeun à l’heure qu’il est, lui dit Mlle Habert, sœur aînée de celle avec qui j’étais venu ; et menez ce garçon dans votre cuisine pour lui faire boire un coup. Un coup ? répondit Catherine d’un ton brusque et pourtant de bonne humeur, il en boira bien deux à cause de sa taille. Et