Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/457

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honnête garçon, comme il y a lieu de le penser ? Il a besoin de condition, je le trouve en chemin, il me rend un service, il me reconduit ici, il nous manque un domestique et nous le prenons : quelle offense peut-il y avoir là contre Dieu ? J’ai cru faire, au contraire, une action de charité et de reconnaissance.

Nous le savons bien, ma sœur, répondit l’aînée ; mais n’importe, puisque monsieur, qui est plus éclairé que nous, n’approuve pas ce que nous avons fait, il faut se rendre. À vous dire la vérité, tantôt, quand vous m’avez parlé de garder ce jeune homme, il me semble que j’y ai senti quelque répugnance ; j’ai eu un pressentiment que ce ne serait pas l’avis de monsieur ; et Dieu sait que j’ai remis le tout à sa décision !

Ce discours ne persuadait pas la cadette, qui n’y répondait que par des mines qui disaient toujours : Je n’y vois point de mal.

Le directeur avait laissé parler l’aînée sans l’interrompre, et semblait même un peu piqué de l’obstination de l’autre.

Prenant pourtant un air tranquille et bénin : Ma chère demoiselle, écoutez-moi, dit-il à cette cadette ; vous savez avec quelle affection particulière je vous donne mes conseils à toutes deux.

Ces dernières paroles, à toutes deux, furent partagées de façon que la cadette en avait pour le moins les trois quarts et demi pour elle, et ce ne fut même que par réflexion subite qu’il en donna le reste à l’aînée ; car, dans son premier mouvement, l’homme saint n’avait point du tout songé à elle.