Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/466

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Ma foi ! madame Catherine, je n’en sais rien, lui dis-je ; mais elles ne peuvent pas se quereller, car ce serait offenser Dieu, et elles ne sont pas capables de cela.

Oh ! que si, reprit-elle ; ce sont les meilleures filles du monde ; cela vit comme des saintes ; mais c’est justement à cause de leur sainteté qu’elles sont mutines entre elles deux ; cela fait qu’il ne se passe pas de jour qu’elles ne se chamaillent sur le bien, sur le mal, à cause de l’amour de Dieu qui les rend scrupuleuses ; et quelquefois j’en ai ma part aussi, moi ; mais je me moque de cela ; je vous les rembarre qu’il n’y manque rien ; je hausse le coude et puis je m’en vais, et Dieu par-dessus tout : allons, mangeons, ce sera autant de fait.

Ce que le directeur avait dit de moi ne m’avait pas ôté l’appétit : En arrive ce qui pourra, disais-je en moi-même ; mettons toujours ce dîner à l’abri du naufrage.

Là-dessus, je doublais les morceaux, et j’entamais la cuisse d’un excellent lapereau, quand le bruit d’en haut redoubla jusqu’à dégénérer en charivari.

À qui diantre en ont-elles donc ? dit Catherine, la bouche pleine. On dirait qu’elles s’égorgent.