Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/474

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vérité, il n’y avait pas grande perte ; car quoiqu’elle bredouillât plus de prières en un jour qu’il n’en eût fallu pour un mois, si elles avaient été conditionnées de l’attention nécessaire, ce devait être ordinairement la plus revêche et la plus brutale créature dont on pût se servir. Quand elle vous disait une douceur, c’était du ton dont les autres querellent.

Mais laissons-la bouder de la réponse que Mlle Habert lui avait faite.

Nous partîmes, elle et moi, elle me prit sous le bras, et de ma vie je n’ai aidé quelqu’un à marcher d’aussi bon cœur que je le fis alors. Le procédé de cette bonne demoiselle m’avait gagné. Y a-t-il rien de si doux que d’être sûr de l’amitié de quelqu’un ? J’étais sûr de la sienne, absolument sûr ; et même cette amitié, dont je ne doutais pas, je ne saurais dire comment je la comprenais ; mais dans mon esprit je la faisais d’une espèce très flatteuse ; elle me touchait plus que n’aurait dû faire une bienveillance ordinaire. Je lui trouvais des agréments que cette dernière n’a pas, et j’en témoignai ma reconnaissance d’une manière assez particulière à mon tour ; car il s’y mêlait quelque chose de caressant.

Quand cette demoiselle me regardait, je prenais garde à moi, j’ajustais les yeux ; tous mes regards étaient presque autant de compliments, et cependant je n’aurais pu moi-même rendre aucune raison de tout cela ; car ce n’était que par instinct que j’en agissais ainsi, et l’instinct ne débrouille rien.

Nous étions déjà à cinquante pas de la maison, et