Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/496

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donnait ma compagnie, disait-elle ; elle s’attendrissait ingénument en me regardant, je lui gagnais le cœur et elle le disait bonnement, elle ne s’en cachait pas.

Sa fille, qui avait, comme je l’ai dit, dix-sept ou dix-huit ans, je ne sais plus combien, et dont le cœur était plus discret et plus matois, me regardait du coin de l’œil, et, prenant un extérieur plus dissimulé que modeste, ne témoignait que la moitié du goût qu’elle prenait à ce que je disais.

Mlle Habert, d’une autre part, me paraissait stupéfaite de toute la vivacité que je montrais ; je voyais à sa mine qu’elle m’avait bien cru de l’esprit, mais non pas tant que j’en avais.

Je pris garde en même temps qu’elle augmentait d’estime et de penchant pour moi ; mais que cette augmentation de sentiments n’allait pas sans inquiétude.

Les éloges de ma naïve hôtesse l’intriguaient, les regards fins et dérobés que la jeune fille me lançait de côté ne lui échappaient pas. Quand on aime, on a l’œil à tout, et son âme se partageait entre le souci de me voir si aimé et la satisfaction de me voir si aimable.

Je m’en aperçus à merveille ; et ce talent de lire dans l’esprit des gens et de débrouiller leurs sentiments