Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/506

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fait de tendresse, les reproches ont toujours une certaine durée ; et on se plaint encore d’eux, même après leur avoir pardonné ; c’est comme un mouvement qu’on a donné à quelque chose ; il ne cesse pas tout d’un coup, il diminue, et puis finit.

Mes tendres reproches finirent donc, et je me rendis ensuite à tout ce qu’elle me dit d’obligeant pour m’apaiser.

Rien n’attendrit tant de part et d’autre que ces scènes-là, surtout dans un commencement de passion : cela fait faire à l’amour un progrès infini, il n’y a plus dans le cœur de discrétion qui tienne ; il dit en un quart d’heure ce que, suivant la bienséance, il n’aurait osé dire qu’en un mois, et le dit sans paraître aller trop vite ; c’est que tout lui échappe.

Voilà du moins ce qui arriva à Mlle Habert. Je suis persuadé qu’elle n’avait pas dessein de s’avancer tant qu’elle le fit, et qu’elle ne m’eût annoncé ma bonne fortune qu’à plusieurs reprises ; mais elle ne fut pas maîtresse d’observer cette économie-là : son cœur s’épancha, j’en tirai tout ce qu’il méditait pour moi ; et peut-être qu’à son tour elle tira du mien plus de tendresse qu’il n’en avait à lui rendre ; car je me trouvai moi-même étonné de l’aimer tant, et je n’y perdis rien, comme on le va voir dans la suite de notre conversation, qu’il est nécessaire que je rapporte, parce que c’est celle où Mlle Habert se déclare.

Mon enfant, me dit-elle, après m’avoir vingt fois répété : Je te crois, voilà qui est fait ; mon enfant,