Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/508

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J’en suis persuadée, me dit-elle, et tu ne penserais pas à m’en assurer si cela n’était pas vrai, mon cher enfant.

Tenez, cousine, ajoutai-je, je ne songe non plus à pain, à vin, ni à gîte, que s’il n’y avait ni blé, ni vigne, ni logis dans le monde. Je les prendrai pourtant quand ils viendront, mais seulement parce qu’ils seront là. Pour à de l’argent, j’y rêve comme au Mogol ; mon cœur n’est pas une marchandise, on ne l’aurait pas quand on m’en offrirait mille écus plus qu’il ne vaut, mais on l’a pour rien quand il y prend goût, et c’est ce qu’il a fait avec vous sans rien demander en retour. Que ce cœur vous plaise ou vous fâche, n’importe, il a pris sa secousse, il est à vous. Je confesse bonnement néanmoins que vous pouvez me faire du bien, parce que vous en avez ; mais je ne rêvais pas à cette arithmétique-là, quand je me suis rendu à votre mérite, à votre jolie mine, à vos douces façons ; et je m’attendais à votre amitié, comme à voir un samedi arriver dimanche. La mienne est une affaire qui a commencé sur le Pont-Neuf ; de là jusqu’à votre maison, elle a pris vigueur et croissance, sa perfection est venue chez vous, et