Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/79

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que par relation. Ainsi, ce n’est pas un amant qui est venu vous trouver, c’est quelque chose de mieux ; car qu’est-ce que c’est qu’un amant ? C’est bien à l’amour ; à qui il appartient de vous offrir un cœur ! Est-ce qu’une personne comme vous est faite pour être le jouet d’une passion aussi folle, aussi inconstante ? Non, mademoiselle, non. Qu’on prenne de l’amour pour vous quand on vous voit, qu’on vous aime de tout son cœur, à la bonne heure, on ne saurait s’en dispenser ; moi qui vous parle, je fais comme les autres, je sens qu’actuellement je vous aime aussi, je vous l’avoue. Mais je n’ai pas eu besoin d’amour pour être charmé de vous, je n’ai eu besoin que de savoir les qualités de votre âme ; de sorte que votre beauté est de trop ; non pas qu’elle me fâche, je suis bien aise qu’elle y soit assurément : un excès de bonheur ne m’empêchera pas d’être heureux. Mais enfin, ce n’est pas à cause de cette beauté que je vous ai aimée d’abord, c’est à cause que je suis homme de bon sens. C’est ma raison qui vous a donné mon cœur, je n’ai pas apporté ici d’autre passion. Ainsi mon attachement ne dépendra pas d’un transport de plus ou de moins ; et ma raison ne s’embarrasse pas que vous ayez du bien, pourvu que j’en aie assez pour nous deux, ni que vous ayez des parents dont je n’ai que faire. Que m’importe à moi votre famille ? Quand on la connaîtrait, fût-elle royale, ajouterait-elle quelque chose au mérite personnel que vous avez ? Et puis les âmes ont-elles des parents ? Ne sont-elles pas toutes d’une condition égale ?