Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/80

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Eh bien ! ce n’est qu’à votre âme à qui j’en veux ; ce n’est qu’au mérite qu’elle a, en vertu duquel je vous devrais bien du retour. C’est à moi, mademoiselle, si vous m’épousez, à qui je compte que vous ferez beaucoup de grâce : voilà tout ce que j’y sais. Au reste, quelque amour que je vienne de prendre pour vous, je ne vous proposerai pas d’en avoir pour moi. Vous n’avez pas vingt ans, j’en ai près de cinquante, et ce serait radoter que de vous dire : Aimez-moi. Quant à votre amitié, et même à votre estime, je n’y renonce pas ; j’espère que j’obtiendrai l’une et l’autre, c’est mon affaire ; vous êtes raisonnable et généreuse, et il est impossible que je ne réussisse pas. Voilà, mademoiselle, tout ce que j’avais à vous dire ; il ne me reste plus qu’à savoir ce que vous décidez.

Monsieur, lui dis-je, si je ne consultais que l’honneur que vous me faites dans la situation où je suis, et que la bonne opinion que vous me donnez de vous, j’accepterais tout à l’heure vos offres ; mais je vous demande huit jours pour y penser, autant pour vous que pour moi. J’y penserai pour vous, à cause que vous épousez une personne qui n’est rien, et qui n’a rien ; j’y penserai pour moi, à cause des mêmes raisons ; elles nous regardent également tous deux, et je vous conjure d’employer ces huit jours à examiner de votre côté la chose encore plus que vous n’avez fait, et avec toute l’attention dont vous êtes capable. Vous m’estimez beaucoup, dites-vous, et aujourd’hui cela vous tient lieu de tout, par le bon