Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/153

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qu’il est homme de bien, lui aurais-je dit : Tu en as menti ! N’avez-vous pas votre chambre ! Y aurais-je été voir ce qu’il vous disait ? Que lui fallait-il donc ? Je ne comprends pas la fantaisie qu’il a eue. Pourquoi vous changer de lieu dites-moi ?

C’est, repris-je négligemment, qu’il ne voulait pas que M. de Valville, chez qui on m’a portée, et à qui j’ai dit où je demeurais, vînt me voir ici. Ah ! nous y voilà, dit-elle ; oui, j’entends : vraiment je ne m’étonne pas ; c’est que l’autre est son neveu, qui n’aurait pas pris la bonne œuvre pour argent comptant, et qui lui aurait dit : Qu’est-ce que vous faites de cette fille ? Mais est-ce qu’il est venu, ce neveu ? Il n’y a qu’un moment qu’il vient de sortir, lui dis-je, sans entrer dans un plus grand détail ; et c’est après qu’il a été parti que M. de Climal s’est fâché de ce que je refusais de me retirer demain où il me disait, et qu’il m’a reproché ce que j’ai reçu de lui ; ce qui a fait que j’ai voulu lui rendre le tout, même jusqu’à la cornette que j’avais et que j’ai ôtée.

Quel train que tout cela ! s’écria-t-elle. Allez, vous avez eu bien du guignon de vous laisser choir justement auprès de la maison de ce M. de Valville. Eh, mon Dieu ! comment est-ce que le pied vous a glissé ? ne faut-il pas prendre garde où l’on marche, Marianne ? Voyez ce que c’est que d’être étourdie ! Et puis en second lieu, pourquoi aller dire à ce neveu où vous demeurez ? Est-ce qu’une fille donne son adresse à un homme ? Et ne saurait-on avoir le pied foulé sans dire où on loge ? Car il n’y a que cela qui vous nuit aujourd’hui.

Je ne faisais pas grande attention à ce qu’elle me disait, et ne lui répondais même que par complaisance.

Enfin, ma fille, continua-t-elle, de remède, je n’y en vois point ; voyez, avisez-vous ; car, après ce qui est arrivé, il faut bien prendre votre parti, et le plus tôt sera le mieux. Je ne veux point d’esclandre dans ma maison : ni moi ni Toinon n’en avons que faire. Je sais bien que ce n’est pas votre faute : mais il n’importe, on prend tout à rebours dans ce