Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/20

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sont tendus par des mains étrangères. Ceci appartient peut-être un peu à la métaphysique de la passion ; mais que nous importe, pourvu que la passion se retrouve au fond de ces ingénieux détails ? D’ailleurs, il faut reconnaître qu’on s’intéresse malgré soi à ces inquiétudes de l’amour, à ces transes infinies, à ces terreurs d’un cœur agité sans savoir pourquoi. C’est toujours la même comédie, s’écrie-t-on. Oui, en effet, c’est la même comédie, mais cependant, dans les vingt-huit comédies (tout autant) que Marivaux nous a laissées, si le fond est le même toujours, la broderie change sans cesse. Marivaux, qui n’a guère écrit qu’une seule préface, car en ceci encore il ne ressemblait pas à ses confrères les auteurs dramatiques, grands écrivains de préfaces, explique très bien comment et pourquoi chacune de ses comédies est un chapitre séparé de la même histoire. « Tantôt, dit-il, il s’agit d’un amour ignoré des deux amants, tantôt d’un amour qu’ils sentent et qu’ils veulent se cacher l’un à l’autre : ou bien c’est un amour timide qu’ils n’osent se déclarer ; ou encore c’est un amour incertain et comme indécis, un amour à demi né, pour ainsi dire, dont ils se doutent sans en être bien sûrs, et qu’ils épient au dedans d’eux-mêmes avant de lui laisser prendre l’essor. » Après quoi il ajoute avec une bonhomie bien spirituelle : « Mais où donc est en tout ceci cette ressemblance que l’on ne cesse de m’objecter ? »

À cette interpellation de l’auteur, il eût été facile de répondre que cette ressemblance, qu’on lui reproche, consiste justement dans cet amour qui se cache toujours. Que l’amour se cache dans une niche ou dans un antre, dans le cœur ou autour du cœur, circum præcordia, la question n’intéresse guère un spectateur inattentif qui